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Marc l'artisan

Développée par AIA Environnement, l’appli Décarbone+rénovation, expérimentée en CFA, est un outil simplifié permettant d’estimer les émissions de gaz à effet de serre liées aux opérations de rénovation.

Rencontre avec Simon Davies, directeur AIA Environnement

Batappli : Comment est né ce projet d’appli Décarbone+rénovation ?

Simon Davies : L’Alliance HQE-GBC, association spécialisée dans le cadre de vie durable, et le CCCA-BTP (Comité de Concertation et de Coordination de l’Apprentissage du Bâtiment et des Travaux Publics) ont noué un partenariat visant à sensibiliser et acculturer les communautés d’apprentissage du secteur du bâtiment à la rénovation globale et performante des logements. Ils ont fait appel à AIA Environnement pour le développement de cette appli.

Quelle est le cœur de métier de votre groupe ?

AIA Environnement est le pôle d’expertise environnemental du groupe AIA Life Designer (700 collaborateurs) qui réunit tous les métiers de la maîtrise d’œuvre du BTP (architecte, ingénierie, management, designer, économistes…). Le groupe intervient à la fois sur des enjeux d’évaluation et de médiation vis à vis des acteurs de la conception environnementale, avec pour vocation de développer des outils utiles à l’ensemble des acteurs du bâtiment. C’est d’ailleurs en ce sens que nous avons développé Décarbone+rénovation, et auparavant l’appli décarbone+, dédiée aux projets neufs (lire encadré).

De quel constat êtes-vous partis pour concevoir cette nouvelle appli ?

En matière de rénovation de bâtiments, la règlementation actuelle ne prend pas encore en compte l’empreinte carbone. Cette réglementation, qui date de 2008, est donc très en retard par rapport à celle des bâtiments neufs. C’est d’autant plus regrettable que les projets de demain sont des projets de rénovation.

Les opérations de rénovation ne sont-elles pas toujours bas carbone ?

C’est une idée préconçue. Nous avons mené un projet de recherche, les résultats sont sans appel : les nouveaux matériaux apportent un poids carbone qui n’est pas compensé par les économies d’énergie réalisées.
Prenez le cas d’une rénovation lourde avec pose de planchers, de nouvelles cloisons, de menuiseries… tous ces matériaux ont un poids carbone, certes moins fort que s’il s’agissait d’un projet neuf, mais néanmoins pas négligeable. Or en terme de carbone, il n’y a pas de petites économies. Les obligations énergétiques fixées par le décret tertiaire imposent une réduction progressive de la consommation énergétique de 40% en 2030, 50% en 2040 et 60% en 2050. La réglementation est en marche, notamment avec les étiquettes énergétiques (E et F) qui ne donnent plus le droit de louer des appartements. C’est un vrai chantier en cours. Il est donc impératif de s’attaquer à cette question du carbone même si ce n’est pas le seul mono indicateur de la rénovation.

Comment a été pensée cette appli ?

Comme un outil pédagogique. Le CCCA-BTP s’est posé la question de savoir comment sensibiliser les apprenants à ces notions de bas carbone de manière à ce qu’elles soient facilement compréhensibles et s’inscrivent dans leurs pratiques. Plutôt qu’un cours magistral, l’utilisation de l’appli permet aux apprentis de manipuler eux-mêmes les paramètres de conception et de se forger leur propre ordre de grandeur sur les leviers en matière de rénovation bas carbone : en quoi consiste-t-elle exactement, comment peut-elle se concevoir, quels sont les enjeux ?...

Une appli qui va évoluer avec les apprenants le temps de leur cursus ?

Complètement. Une première version d’essai a été présentée au forum Renodays. Le travail avec les apprenants (et les enseignants) va maintenant permettre de mieux calibrer l’appli, le but étant d’être au plus proche de leurs besoins futurs. C’est du working progress.

Quel est l’objectif premier de l’appli ?

Permettre aux apprentis d’acquérir des connaissances sur les chantiers de rénovation bas carbone, sur les émissions de CO₂ mais aussi sur le temps de retour carbone, indicateur qui désigne le temps à partir duquel l’investissement carbone initial lié aux matériaux de rénovation est compensé par les économies générées en phase d’exploitation. Autrement dit, le temps au bout duquel la rénovation aura remboursé sa dette carbone de départ dans les matériaux utilisés.

Quels sont les premiers utilisateurs de cet outil et comment cela se passe concrètement ?

L’outil est exploité par les élèves de quatre CFA : Pays de la Loire, Ile de France, Normandie et Grand Est. Le déroulement de l’expérimentation n’est pas totalement finalisé mais globalement, l’étudiant a la possibilité de choisir un cas générique parmi les 7 familles du programme Net Zero Carbon renovation établi par AIA Environnement et l’Alliance HQE-GBC. Il personnalise ensuite sa saisie en remplissant un questionnaire pour intégrer les spécificités de son projet. Les paramètres à saisir incluent les données générales du programme (surface, localisation…), la morphologie (nombre d’étages, hauteur sous plafond…), le mode constructif (structure horizontale et verticale), les matériaux (types de sols, bardage, cloison, enduit, peinture…), le vitrage (menuiseries, protections…), les aménagements (revêtements extérieurs…), la production énergétique (enveloppe thermique..) et les résultats (temps de retour carbone et émissions sur 50 ans).
L’utilisateur peut visualiser les résultats illustrés selon différents indicateurs et réaliser plusieurs optimisations successives pour tendre vers le niveau de performance visé. Dès qu’un paramètre est modifié, l’outil très réactif indique l’impact sur le résultat global. Accessibilité et interactivité sont d’ailleurs les deux maîtres mots de cette appli.

Allez-vous ouvrir cette appli à d’autres organismes que les CFA ?

Effectivement, on ne s’interdit pas de l’ouvrir à d’autres centres de formation comme la Compagnie des bâtisseurs. La phase de médiation pédagogique et de capitalisation va durer à minima deux ans.

Et après ?

L’appli sera testée par les étudiants en condition réelle avec des particuliers et des entreprises pour les conseiller sur les enjeux de la rénovation et du temps de retour carbone. Le programme continuera donc à se développer en intégrant les projets pédagogiques et les retours d’expérience, puis sera mis à disposition de tous. Nous sommes convaincus que par le choix d’une mise en œuvre globale, il est tout à fait possible de concilier économie et bas carbone. Chaque acteur de la chaîne a sa responsabilité et des leviers d’actions à sa disposition.